L'œuvre de Nat Mayer Shapiro fonde un rapport qui allie à la nostalgie la dimension motrice de l'univers. S'il est tout au long de sa vie, un artiste en partance, il est l'héritier et le témoin le plus libre d'une peinture en résonance. Musique et peinture irradient dans une véritable cosmogonie des rêves. A l'instar des peintres libérateurs de formes échappant au monde visible, Kandinsky, Kupka, Paul Klee, Franz Marc, il crée un espace parcouru de désirs vibratoires, une polyphonie visuelle sidérale. Ses toiles sont de véritables symphonies chromatiques, parcourues de rythmes et de variations, de structures géométriques matérialisant les atomes, un monde enchanté où vient s'incarner le noyau vivant de l'infini. Se détachant de sa gangue cosmique. L'artiste, pour qui la galaxie apparaît "mystérieuse, volatile et sublime" est celui qui créé ses propres mythes à l'aune de l'univers.
La Galerie Saphir présente, à partir du 29 avril 2025, dans son établissement de la rue du Temple à Paris, la nouvelle exposition du peintre américain Nat Mayer Shapiro (1919-2005).
La monographie Nat Mayer Shapiro, La rigueur et la joie sera, à cette occasion, présentée en avant-première.
Dans les étoiles comme sur terre
"Outrepasser l'humain dans l'humain" (Dante)
Après la Shoah, le goulag et Hiroshima, on assiste dans l'après-guerre à l'effondrement de l'humanisme politique, de cette tradition européenne grecque, juive et chrétienne, de ce grand principe qui proclamait la liberté des hommes et des femmes en s'opposant au désir de mort au cœur de toute civilisation.
Nat Mayer Shapiro fut un humaniste révolté, engagé contre la " banalité du mal" que dénonça Hanna Arendt. Entre l'humain et le cosmos, il affirma une résistance tenace face aux désenchantements du monde. Lui qui fut dénoncé au FBI comme communiste, opposant à la guerre de Corée, s'illustra aussi lors de ses voyages en Grèce (1965-1975) en prenant la défense de son ami Yannis Leloudas en procès contre la dictature des Colonels. Les œuvres des séries Byzantine et Icônes (1965) ne raniment pas seulement la splendeur des civilisations anciennes mais sont aussi l'expression d'une poétique qui appelle à rester en vie face à l'oppression et à la répétition de l'histoire.
Entre miracle et tragédie, l'abstraction a ouvert à la transcendance des frontières culturelles, les œuvres de Jackson Pollock furent perçues à la fois comme chaos et célébration de la liberté, le pouvoir spirituel de l'art selon Kandinsky devint force génératrice de l'univers. L'abstraction cosmique chez Nat Shapiro est mouvement démiurgique et expérience sensible, elle épouse les mouvements de la musique et les rythmes de l'univers. On pense au philosophe juif Walter Benjamin, ami de Gershom Sholem, fuyant les nazis et trouvant la mort à Port-Bou, pour qui le cosmos était une expérience fulgurante du désir et du vertige de l'être.
Dans le monde d'aujourd'hui qui est soumis plus que jamais à la destruction de l'humanisme, levons les yeux vers les galaxies de Nat Shapiro et espérons en cette étoile du Nord qui guidait les esclaves en fuite vers leur liberté.
Delphine Durand
Delphine Durand
nat mayer shapiro, géométries de l'infini
Du 29 avril au 20 mai 2025.
Vernissage, mardi 29 avril de 18h à 21 heures.
Galerie SAPHIR
69 rue du Temple
75003 Paris
Tous les jours de 13h à 19 heures