DINARD - VERNISSAGE sameDI 12 AOÛT 2023
à partir de 18 heures
Photographier c’est façonner l’espace par une saisie faisant surgir de nouvelles distances, de nouvelles figures, un nouveau rapport. Il appartient au photographe de dépeindre tout un réseau de relations entre les signes, de travailler cet alphabet de formes et de cheminements de sensations qu’offre la lumière posée sur toute chose. Les tirages de Patrick Braoudé proposés à la Galerie Saphir sont obtenus au plus exprimé de ce qu’ils visent. Mais leur auteur ne peut se satisfaire d’une manière exclusive d’expression : de l’infini commentaire du monde, sous les lueurs d’un existentialisme mystique, aux oppositions codifiées de la force sur le ring, et de l’oscillation aussi entre symbole et abstraction, les images obtenues trament la variété de l’humain.
Il est, derrière les expressions de la réalité, des mondes qui palpitent, des vies soustraites aux apparences ; ici l’immédiateté de la photo ne peut cacher le lent mûrissement de l’image, outil évocateur d’une lucide quête. Le regard de Patrick Braoudé ouvre des fenêtres dans le bois vieux des volets clos. Et par là ses épreuves font apparaître tout ce qui frappe à l’huis de la mémoire. Voyage dans le labyrinthe silencieux de l’âme. Evocation de la figure humaine prise dans le noir et blanc d’une interrogation. Lieu sacré où l’attention est mystérieusement conviée.
Ce qui retient dans les photos prises à Ouman (Ukraine), c’est la texture, comment le grain reflète les émotions ; cela implique un sens réaliste qui se laisserait mener vers une pensée métonymique : peut-on « dire » un être par un vêtement rituel, par un seul livre ouvert, un simple regard surpris ? Ainsi paraît en même temps qu’elle s’estompe la limite vraie et infrangible entre silence et expression, l’imperceptible et l’évidence. De sorte que le photographe reste à l’écoute, laisse se dévoiler la part d’intemporel, ouvre un passage ; à l’exemple de cette perspective de neige qu’il déplie telle une page encore à écrire, jusqu’aux limites d’où semble survenir l’étrange apparition d’une petite fille dont l’habit rouge trace comme une échappée intensément présente. Nous est montré un possible gué de l’intériorité vers la ponctuation visible, le vif du cœur sous le ciel qui espère quelque observateur rare.
Ainsi peut venir le temps de la couleur, créatrice d’une autre sorte de profondeur, de transparence, de courbes et de lignes d’impétueux pigments. La vibration parcourt d’ondes les impressions de temps heureux, où sur la plage parée de toute une gamme de parasols se joue l’antique motif des formes et des corps près du miroitement de l’eau. Une immersion rêveuse s’annonce entre le trait et la matière, l’interception visible et le mirage de l’abstraction, l’image photographique et la peinture. Ainsi saisis par la substance fluide de la lumière, nous nous posons en équilibre entre la poésie et la réalité. Alors, comme dans l’instant glissé à la jointure de deux plans de cinéma, ce sont autant d’images impalpables que l’on voudrait encore retenir.
D’autant plus forts les jeux d’interférences au comble de la mobilité sportive, devenant ici une geste primitive dont l’objectif a su cueillir l’accomplissement d’actions d’éclats. Le rapport des couleurs accompagne le mouvement dont le graphisme flouté semble puisé au don de soi ; la veine de l’efficacité éclot de l’énergie elle-même et son écho dessine des densités chorégraphiques. Judokas et gymnaste, fleurétistes et boxeurs nous apparaissent ainsi nimbés de cette surréalité qui signe les beaux combats. Quant à Mbappé, nouvel Achille pris dans l’ellipse de l’instant, il amplifie par simplification du geste la précision de son engagement. Et sur la ligne d’arrivée d’une course automobile, la vitesse même se traduit par des contrastes animés et des vrombissements de teintes arythmiques. L’action captée par l’œil comme une définition possible de la beauté.
Quand la photographie transporte ainsi la vue et par concentration invite à l’essentiel, elle devient juste tout en plaidant intimement en faveur de l’être intérieur. Par l’œuvre de Patrick Braoudé s’entend comme une voix directe et alerte alliant corps et esprit dans une partition d’humanité.
Patrick braoudÉ
DÉclic
Du 5 AOÛT au 30 SEPTEMBRE 2023.
Vernissage, samedi 12 août à partir de 18 heures.