Les maîtres animaliers d'avant-guerre ont abondamment représenté le félin. Leurs sculptures et leurs dessins ont atteint la perfection propre au sujet. Quand j'ai découvert...
Les maîtres animaliers d'avant-guerre ont abondamment représenté le félin. Leurs sculptures et leurs dessins ont atteint la perfection propre au sujet. Quand j'ai découvert l'âge d'or de "l'Art fauve" je me suis posé une question : comment envisager, après Paul Jouve et Rembrandt bugatti, la représentation des félins ? Il me fallait donc me démarquer de ces maîtres.
Certains sculpteurs contemporains bien conscients du problème l'ont résolu en innovant sur le plan formel ou stylistique. Certains réalisent des félins lisses ; d'autres des félins cubisants. Certains leur font des poils ; d'autres des trous. Je n'ai pas opté pour ces solutions car elles m'auraient enfermé dans une facture stylistique définitive, contraire, selon moi, à ce que doit être précisément une forme : une chose vivante et fluide, comme la terre que j'utilise pour modeler.
La réponse à mon interrogation est venue en me documentant. En fait, les maîtres d'avant-guerre représentaient des bêtes passives, détenues en cage. Les félins étaient assis ou couchés. Parfois avant le dîner, ils se mettaient à marcher. Or, notre oeil est conditionné depuis des décennies par l'image-mouvement. Et pour ma part, j'étudie surtout les félins par le biais de photos et vidéos.
Les félins sont filmés dans leur mileur naturel. Dans la savane, la panthère n'est pas confinée. Elle court et chasse pour sa survie. Les nouveaux médias saisissent donc le félin "dans l'instant" : celui où il guette, celui où il bondit. Celui où il concentre toutes les fibres de son vouloir.
Représenter le félin en expansion, en mouvement. Dans toute la véloce splendeur de sons corps ! Telle est, selon moi, la nouvelle et exaltante perspective qui s'ouvre aujourd'hui au sculpteur. J'en ai résolument fait mon territoire d'exploration.